Définition de TROIT, OITE

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DÉFINITIONS - REMARQUE - SYNONYME - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : é-troi, troi-t'

DÉFINITIONS

1
Qui a peu ou n'a pas assez de largeur. Habit étroit. Rue étroite.
Dans un chemin étroit je trouvai deux guerriers
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Oedipe, IV, 1
Il fallut disputer, dans cet étroit passage
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans ib.
Sémantique : Fig. et familièrement. Avoir la conscience étroite comme la manche d'un cordelier, n'être aucunement scrupuleux.
Sémantique : Terme de manége. Un cheval étroit de boyau, cheval qui a le ventre serré et les côtes plates.
Adverbialement. Mener ou conduire un cheval étroit, lui donner peu de terrain.
2
Sémantique : Fig. Resserré, restreint. Ses affections se renferment dans un cercle étroit.
Nous divisons les choses les plus simples en diverses idées, parce que notre esprit est encore trop étroit pour les pouvoir comprendre toutes ensemble
de NICOLE dans Ess. de mor. 1er traité, ch. 8
Si son astre en naissant ne l'a formé poëte, Dans son génie étroit il est toujours captif ; Pour lui Phébus est sourd, et Pégase est rétif
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art p. I
Des bornes étroites, d'étroites limites, se dit de ce qui a peu d'extension, de ce qui est fort limité. Les bornes étroites du journal ne permettent pas de traiter toute sorte de questions.
C'est un cerveau étroit, c'est un génie étroit, un esprit étroit, c'est un homme de peu de jugement, de peu de capacité, un homme dont les idées ont peu d'étendue.
Un génie étroit qui ne voit les choses que par parties, et n'embrasse rien d'une vue générale
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Lett. pers. 129
Il se dit, dans un sens analogue, de ce qui est sans portées, sans grandeur, sans générosité.
Une politique étroite et oppressive mettait plus d'entraves aux bonnes intentions des jésuites que l'opposition de l'ennemi
de François René CHATEAUBRIAND dans Génie, IV, IV, 8
Les esprits étrangers à l'activité comme à la méditation ont quelque chose d'étroit, de susceptible et de contraint qui rend les rapports de la société tout à la fois pénibles et fades
de Mme DE STAËL dans Corinne, XIV, 1
3
Où manque l'aisance.
Sans fortune, sans espérance, et presque sans ressource, il se réduisit à un genre de vie fort étroit
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Éloges, du Marsais.
4
Très uni, intime.
Fières soeurs, si jamais notre commerce étroit Sur vous et vos serpents me donna quelque droit
de Pierre CORNEILLE dans Médée, I, 4
Concorde étroite
de Jean de ROTROU dans Bélis. III, 2
Ce sont deux arts [la musique et la danse] qui ont une étroite liaison ensemble
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Bourg. gent. I, 2
Il me favorisa même quelquefois de sa plus étroite confidence et me fit voir son ame entière, et que n'y vis-je point !
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Lutr. Préf.
Il y avait une alliance étroite entre Attila et Genséric, roi des Vandales
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Rom. ch. 19
Sans l'étroite amitié dont l'honore Titus
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Brut. IV, 7
Coeur étroit, coeur qui n'a point d'expansion, de charité, de sensibilité.
Faibles esprits, ou plutôt coeurs étroits et entrailles resserrées, que la foi et la charité n'ont pas assez dilatées pour comprendre toute l'étendue de l'amour d'un Dieu
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Anne de Gonz.
Les coeurs étroits ne sentent jamais de vide, parce qu'ils sont toujours pleins de rien
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Lettre à Mme de B. Correspond. t. II, p. 201, dans POUGENS
5
Qui est selon la rigueur de la loi, de l'ordre, par opposition à relâché.
Quand on a failli contre une personne à qui on a de si étroites obligations que je vous en ai
de Vincent VOITURE dans Lett. 148
Il est libre de quitter la première vie pour en embrasser une plus étroite
de PATRU dans Plaid. 15, dans RICHELET
De quelque étroit respect qu'un amour soit contraint, N'osant pas demander, pour le moins il se plaint
de Jean de ROTROU dans Bélis. IV, 2
Cette justice étroite que l'on nous rend
de Louis BOURDALOUE dans Carême, I, Jugem. dern.
Si l'amour des grandeurs, la soif de commander, Avec son joug étroit [de Dieu] pouvaient s'accommoder
de Jean RACINE dans Athal. III, 3
Vous souvient-il, mon fils, quelles étroites lois Doit s'imposer un roi digne du diadème ?
de Jean RACINE dans ib. IV, 2
Cette règle étroite et austère que les disciples de saint Benoît pratiquent si exactement
de Esprit FLÉCHIER dans Panég. I, p. 401
....Les devoirs étroits où son rang l'emprisonne
de Casimir DELAVIGNE dans Paria, v, 2
Droit étroit, droit rigoureusement conforme au texte de la loi, par opposition à droit par interprétation.
On pouvait ajouter que ces successions de dignité en collatéral étaient de droit étroit, et qu'il ne pouvait dépendre d'une volonté particulière de faire un homme duc ou de l'empêcher de l'être
de Louis de Rouvroy, duc de SAINT-SIMON dans 64, 60
Sens étroit, dit par opposition à sens général, étendu.
Pour terminer le détail des qualités acquises de M. Leibnitz, il était théologien, non pas seulement en tant que philosophe ou métaphysicien, mais théologien dans le sens étroit
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Leibnitz.
Prendre quelque chose dans le sens étroit, l'interpréter selon toute la rigueur de la lettre.
Sémantique : En termes de l'Écriture, la voie étroite, le chemin étroit, le chemin du salut, par opposition à la voie large, c'est-à-dire la perdition.
Marcher dans la voie étroite de l'Évangile, c'est réformer son coeur et renoncer à ses passions
de Louis BOURDALOUE dans 3e dim. après la Pentecôte, Dominic. t. II, p. 383, dans POUGENS.
6
À l'étroit, Nature : loc. adv. Dans un espace trop resserré.
Vous savez bien comme on est à l'étroit Dans ce logis...
de Jean de LA FONTAINE dans Berc.
Le scorpion tenait la place de deux signes.... et, en votre considération, se serait mis plus à l'étroit
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Dialogues, Auguste, Arétin.
Quesnai, logé bien à l'étroit dans l'entre-sol de Mme de Pompadour, ne s'occupait du matin au soir que d'économie politique et rurale
de Jean-François MARMONTEL dans Mém. v.
Sémantique : Par extension.
Les rois de macédoine furent réduits à l'étroit
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. II, 9
Sémantique : Fig. À la gêne.
Voyez dans quel sentier la vertu chemine doublement à l'étroit et par elle-même et par l'effort de ceux qui la persécutent
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Reine d'Anglet.
Être à l'étroit, vivre à l'étroit, n'avoir pas les commodités de la vie.

REMARQUE

1
Au XVIIe siècle, il était encore loisible de suivre la prononciation normande étreit ; cela est aujourd'hui tout à fait interdit.
La nation des belettes, Non plus que celle des chats, Ne veut aucun bien aux rats ; Et sans les portes étrètes De leurs habitations....
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. IV, 6
Damoiselle belette au corps long et fluet Entra dans un grenier par un trou fort étreit
de Jean de LA FONTAINE dans ib. III, 17

SYNONYME

1
ÉTROIT, STRICT. Ces deux mots ne sont synonymes qu'au sens de rigoureux, sévère, bien qu'étymologiquement les mêmes, puisque étroit est la forme française, et strict la forme latine de strictus : l'usage n'y a guère mis que cette nuance : strict peut se dire des personnes, et étroit ne s'en dit jamais, en ce sens : un homme strict, et jamais un homme étroit.

HISTORIQUE

1
XIe s.
Es destriers montent, si chevauchent estreiz
dans Ch. de Rol. LXXVII
Contre son piz [poitrine] estreit [il] l'ad embracet
dans ib. CLXI
2
XIIe s.
Bien se defendent à cet estroit passage
dans Ronc. p. 65
Saint Thomas e li reis furent mult lunguement Emmi le champ tut sul à estreit parlement ; Un sul n'i apelerent de tres tute lur gent
dans ib. 114
3
XIIIe s.
Estroit [ils] lui ont la corde en la bouche nouée
dans Berte, XVI
Mout lui sera la voie du paradis estroite
dans ib. CXXXVI
Et s'il n'ont tant de muebles, les despuelles de lor heritages, par desor lor estroite soustenance, y corroient
de Philippe de BEAUMANOIR dans XVII, 7
4
XVe s.
.... Le comte d'Armignac, qui estoit jeune et entreprenant et de grand'volonté, demanda ses armes et s'arma tout au clair et à l'estroit et de toutes pieces
de Jean FROISSART dans III, IV, 20
5
XVIe s.
Selon les vivres qui y estoient si estroits, que plus ne se pouvoient
de Philippe de COMMINES dans VIII, 8
Se batirent bien estroit, tant que d'un costé et d'autre en eut plusieurs de morts
de J. D'AUTON dans Annales de Louis XII, p. 188, dans LACURNE
Vous passerez par l'estroict [détroit] de Sibyle
de François RABELAIS dans Garg. I, 33
L'estroicte cousture de l'esprit et du corps
de Michel de MONTAIGNE dans I, 101
Les estroicts baisers de la jeunesse
de Michel de MONTAIGNE dans I, 392
Nous embrassons ce bien, d'autant plus estroict que....
de Michel de MONTAIGNE dans III, 1
Les siens qui ne pouvoient, pour l'estroit du lieu, aller aux coups d'espée, lui faisoient passer de main en main leurs pistollets
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans Hist. II, 290
La maniere de vivre et la police des Candiots pour lors estoit austere et estroite
de Jacques AMYOT dans Lyc. 5
Cognoistre les maladies qui requierent diette estroitte ou large
de Ambroise PARÉ dans Intr. XI

ÉTYMOLOGIE

1
Génev. et Berry, étret, étrette ; wallon, sitreu ; provenç. estreg, estreit, estrech ; espagn. estrecho ; portug. estreito ; ital. stretto ; du latin strictus, participe passif de stringere (voy. ÉTREINDRE).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Se mettre à l'étroit, se gêner, en parlant de ressources pécuniaires.
Ce que je dois sur toute chose est de ne pas vous laisser mettre à l'étroit pour l'amour de moi
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Lett. à Du Peyrou, 11 juin 1766

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